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Afrique de l’Ouest : Sénégal, Côte d’Ivoire, Bénin…voisin de pays putschiste, mode d’emploi 

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La frontière entre le Sénégal et le Mali n'est plus ce qu'elle était avant le coup d'Etat malien. (Ph: Dr).
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Les sanctions de la Cedeao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) qui ont visé les pays dirigés par des juntes se retournent contre ceux qui les ont prises. Du Sénégal au Bénin en passant par la Côte d’Ivoire, tous ont connu à divers degrés une baisse de leurs échanges commerciaux avec leurs voisins.

Depuis près de trois mois, des centaines de camions, pour la plupart en provenance du port de Cotonou, sont toujours bloqués à la frontière avec le Niger. 

Après le coup d’État qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, le 26 juillet, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a imposé de lourdes sanctions contre le régime militaire en place à Niamey, en particulier l’interdiction de toutes transactions commerciales avec ses pays membres. 

« Nous sommes fatigués et malades. Nous avons libéré nos apprentis parce que nous commençons par manquer de quoi manger », témoignait à la fin de septembre, auprès de l’Afp, Mahamat Kabirou Amadou, un conducteur bloqué à Malanville, la ville béninoise frontalière, a rapporté le confrère de Jeune Afrique dans sa dernière parution. Il estimait alors ses pertes à plusieurs millions de francs Cfa. Sa marchandise, périssable, se détruisait sous ses yeux. 

Interdépendance communautaire

 Avec la vague de coups d’État qui frappe le Sahel depuis trois ans, des milliers de personnes se retrouvent dans la même situation que Mahamat Kabirou Amadou. 

Les sanctions imposées au Mali, au Burkina Faso et désormais au Niger ont d’abord eu des conséquences pour ces pays enclavés de la sous-région, mais les répercussions pour leurs voisins ne sont pas non plus négligeables. 

 

« Les sanctions ont pour objectif de mettre la pression sur les juntes, rappelle un économiste de la région qui a requis l’anonymat. Mais, dans les faits, les pays qui les prennent se tirent aussi une balle dans le pied, car la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest est interdépendante. »

L’essentiel des échanges commerciaux du Niger avec l’extérieur transite via le port autonome de Cotonou (Pac), au Bénin. Sollicité par Jeune Afrique, le Pac n’a pas souhaité répondre à nos questions mais, selon nos informations, il tourne au ralenti depuis la fin de juillet. 

Le désormais ex- président Mohamed Bazoum s’y était d’ailleurs rendu en mars, dans le cadre d’une visite officielle au Bénin.

Il se félicitait alors des travaux en cours devant permettre au port béninois d’augmenter sa capacité de stockage. 

Avant le coup d’État, le Niger affichait des prévisions de croissance séduisantes, supérieures à 6 %, notamment grâce aux grands projets d’infrastructures prévus dans le pays. Ainsi, le plus grand oléoduc d’Afrique devait être mis en service en septembre. 

Long de près de 2 000 kilomètres dont 1 250 au Niger , le pipeline est censé relier les puits pétroliers du gisement de l’Agadem, au port béninois de Sèmè, d’où aurait dû être évacué, pour la première fois, du brut nigérien. Cette mise en service est, de fait, reportée sine die.

De la même manière, le corridor routier Niamey-Cotonou , dont le financement était assuré par Millenium challenge corporation (Mcc) est sérieusement compromis. 

À la suite du coup d’État, le bailleur de fonds américain a décidé de suspendre le financement. Coup sur coup, Porto-Novo est donc privé de deux projets intégrateurs majeurs qui auraient dynamisé son économie presque autant que celle de son voisin du nord. 

Relayé par la contrebande

 Les conséquences économiques au Bénin du coup d’État au Niger font écho à ce qu’il s’est passé pour le Sénégal et, dans une moindre mesure, pour la Côte d’Ivoire, lorsque le Mali était frappé par les sanctions prises entre janvier et juillet 2022 par la Cedeao et suivies par l’Union économique et monétaire ouest-africain (Uemoa). 

Environ la moitié de l’activité du port de Dakar dépend des importations maliennes. « Les Maliens sont un peuple de commerçants, ils ont des implantations dans toute la région, poursuit notre économiste. Lorsque les frontières étaient fermées, leurs activités ont été entravées, bien que les réseaux de contrebandes eussent partiellement pris le relais. ».

Alors que près de 23 % des exportations sénégalaises sont destinées au Mali, celles-ci ont chuté de 30 à 60 % au cours des mois qui ont suivi les sanctions économiques.

Les entreprises de logistique ont été les plus affectées, mais l’industrie sénégalaise a également été touchée. 

« Nous exportons chaque année vers le Mali plus de 30 milliards de francs Cfa [environ 46 millions d’euros] de produits alimentaires, plus de 20 milliards de francs Cfa de matériaux de construction et des dizaines de milliards de francs Cfa de produits chimiques et de matières premières », rappelait Baïdy Agne, président du Conseil national du patronat (Cnp) sénégalais, dans les colonnes de Jeune Afrique en 2022 . 

Et d’ajouter : « Il y a eu également au niveau de la Banque centrale le blocage des paiements en raison des sanctions financières. L’embargo a grevé la trésorerie de plusieurs de nos entreprises. »

 Des investissements régionaux en chute libre

 Plus d’un an après la levée des sanctions à l’encontre du Mali, le commerce transfrontalier a repris, mais n’a pas encore retrouvé son dynamisme d’antan. En moyenne, environ 8,5 % du trafic du port d’Abidjan est à destination de l’hinterland, c’est-à-dire du Mali, du Burkina Faso et du Niger. 

 

« Lors du premier semestre de 2023, il recule de 15,7 %, comparativement à la même période en 2022. Une baisse due à la situation socio-politique de ces pays », note la filiale d’Africa Global Logistics. « Les sanctions économiques ont toujours des effets boomerang, rappelle l’économiste résidant au Mali, Paul Derreumaux. Dans ce contexte, les investissements régionaux, dans un sens et dans l’autre, sont en chute libre. Tout cela pénalise le bon fonctionnement de l’Uemoa. »

L’impact des sanctions pour les pays de la zone doit toutefois être relativisé.

D’une part, le commerce intracommunautaire reste faible et ne représente au total que 14 % des échanges commerciaux des pays membres de l’Union économique. 

D’autre part, les sanctions prises à l’encontre du Burkina Faso ne concernaient que les avoirs des putschistes et celles décidées à l’encontre de Bamako excluaient les biens de premières nécessités et les hydrocarbures. 

Ainsi, en 2022, malgré six mois de sanction, les exportations ivoiriennes à destination du Mali ont atteint des records, avec une progression de 87 %, à 1,38 milliard d’euros.

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Ce bond est principalement dû à la hausse des achats d’hydrocarbures par Bamako. Ironie de l’histoire, le Mali est ainsi devenu le premier destinataire des exportations ivoiriennes.

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