
Lucie : Bonjour Didier. Qu'est-ce qui vous a inspiré à devenir pâtissier et à poursuivre une carrière dans la cuisine ?
Didier Stephan : Bonjour Lucie. Déjà, je tiens à préciser que je ne suis pas un cuisinier, bien que je donne parfois des cours de cuisine française. Je suis un pâtissier, confiseur, glacier, chocolatier, et donc meilleur ouvrier glacier. Je pense que l'inspiration est arrivée lorsque je suis rentré en apprentissage parce que en France, on a la chance d'avoir ce système qui permet à un jeune de 15 ou 16 ans de rentrer dans une entreprise, une vraie entreprise d'artisanat. Et donc, je suis rentré à Cognac chez un patron qui s'appelait Jacky Paris, qui m'a fortement inspiré et donné envie d'apprendre complètement ce métier.
Il était très doué en décoration et j'ai appris tout un tas de techniques, notamment les techniques du cornet.
"Je trouve que c'est restrictif de ne parler que de Jacky Paris, car après cette entreprise, j'ai fait un périple assez particulier qui m'a mené là où je suis aujourd'hui, au Maroc. En fait, j'étais impressionné par mon patron d'apprentissage, qui était un entomologiste amateur passionné par les papillons et les coléoptères. Il connaissait leurs noms et leurs caractéristiques. Cet apprentissage chez Jacky Paris a été très particulier, mais il n'a pas été le seul dans mon parcours. Très vite après cet apprentissage de 3 ans, je suis parti dans d'autres entreprises et j'ai fini par faire mon service militaire à 18 ans en Afrique, au Niger, au Gabon et au Tchad, où j'ai été cuisinier pour les messes des officiers. Par la suite, j'ai fait un parcours professionnel en France, où j'ai travaillé dans de multiples entreprises, du Nord au Sud-Ouest. Avant de rentrer en 1981 dans le monde de la formation, puisque je suis devenu professeur à ce moment-là, pour enseigner ce beau métier à ceux qui voulaient l'apprendre."
Lucie : Quels sont vos mets et repas préférés et pourquoi ?
Didier Stephan : Je crois bien sûr que j'ai un penchant pour la glace, c'est pourquoi je suis devenu l'un des meilleurs ouvriers de France en glacerie. Mais en fait, la pâtisserie est tellement complète ! Il y a la pâtisserie, la confiserie, la glacerie, la chocolaterie... Et donc, ce que j'aime le moins, c'est le chocolat, bien que j'en fasse. Mais ce que j'aime le plus, c'est les travaux artistiques, le sucre soufflé, la sculpture sur glace, les rubans sucrés... C'est tout cela qui permet de faire des pièces artistiques décoratives pour les grands événements comme les mariages, les anniversaires d'entreprises, et j'en passe.

Lucie : Comment pensez-vous que les jeunes chefs débutants peuvent acquérir les compétences nécessaires pour réussir dans l'industrie culinaire?
Didier Stephan : Pour les jeunes, la première marche de l'escalier, c'est de trouver une entreprise d'accueil où l'on a confiance au patron ou au chef qui va nous apprendre des choses. Il faut apprendre les fondamentaux, les bases, comme savoir faire une crème pâtissière, un feuilletage, une pâte à croissant... Il faut beaucoup de patience et d'entraînement pour arriver à maîtriser ces bases.
Lucie :Quels sont vos projets actuels et futurs dans le monde de la filière ?
Didier Stephan : À 70 ans, je pense que mes projets sont derrière moi. Aujourd'hui, mon projet est de vivre une retraite tranquille au Maroc, entouré de mes plantes et de mes passions. J'aime partager mon savoir et former des jeunes chefs, donc je continue à animer des stages et à enseigner.

Lucie : Comment les jeunes chefs peuvent-ils se démarquer dans une industrie compétitive comme la pâtisserie et la cuisine?
Didier Stephan : Avant d'être chef, on est apprenti, et on est apprenti toute sa vie. Pour se démarquer, il faut maîtriser les bases et les fondamentaux, puis créer et innover. Mais il ne faut pas oublier que la création doit être faite avec des produits de qualité et avec respect pour les traditions.
Lucie : Quels sont les défis les plus importants que vous avez rencontrés dans votre carrière et comment les avez-vous surmontés ?
Didier Stephan : J'ai rencontré beaucoup de défis, mais je pense que le plus important a été de trouver des mentors et des personnes qui m'ont aidé à progresser. J'ai eu la chance de travailler avec des personnes exceptionnelles, comme Claude Gelé, qui a été mon professeur , qui m'aider avoir mon brevet de maîtrise.
"Claude Gelée était un professeur de pâtisserie, deux fois Meilleur Ouvrier de France. Je l'observais, je le regardais, je l'admirais. Tout le monde adorait cette personne, car il était celui vers qui on voulait aller. Nous étions jeunes, et le regarder travailler nous faisait rêver. On avait vraiment envie de se rapprocher de ses compétences. Aujourd'hui, il est disparu, mais il nous manque beaucoup."
Lucie : Comment sélectionnez-vous les ingrédients et les produits pour vos plats ?

Didier Stephan : Pour moi, il n'y a pas d'erreur possible. Le lait vient de la vache, ce n'est pas une poudre qui vient d'un carton. Il faut utiliser des produits de qualité, comme du lait, du beurre, de la crème, des œufs... Il faut sélectionner les meilleurs ingrédients pour obtenir les meilleurs résultats.
Lucie :Y a-t-il un message que vous aimeriez transmettre aux jeunes apprentis et aux passionnés de pâtisserie et de cuisine ?
Didier Stephan : Oui, je voudrais dire aux jeunes apprentis qu'il faut être patient et qu'il faut du temps pour devenir un bon pâtissier ou un bon cuisinier. Il faut 10 ans pour faire un chef, ce n'est pas en 6 mois. Il faut trouver des mentors, poser des questions, lire beaucoup et chercher à comprendre. La chimie joue un grand rôle dans notre métier, et il faut connaître parfaitement les ingrédients pour maîtriser ce beau métier.
"Il faut du temps pour maîtriser ce beau métier. L'apprentissage est une chose qui ne s'arrête jamais. Il faut continuer à se documenter, à lire, à chercher à comprendre, parce que si on ne cherche pas à comprendre, on n'avance pas. Les savoirs ne valent que s'ils sont partagés par le plus grand nombre, et c'est pour ça qu'on doit toujours les transmettre. Je fais partie de ceux qui ont beaucoup transmis, mais si j'ai pu donner cet amour de transmettre, c'est parce que j'étais un élève attentif. Et donc, ce qui manque parfois dans notre jeunesse, ce sont des gens suffisamment passionnés pour décrocher toutes les étoiles qui ont fait briller le métier."
